Le Centre de Formation des Professions de Justice (CFPJ), avec l’appui financier de l’Union Européenne (UE) et du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a organisé, une session de formation continue à l’endroit des juges pour enfants sur la justice pour mineurs, du 27 juin au 1er juillet 2016.
Cette formation a été rendue possible grâce à la signature d’une convention de financement entre l’Union Européenne et l’UNICEF pour un projet d’ « Amélioration de l’accès des enfants à la justice au Togo » dans le cadre du programme global d’appui au secteur de la Justice » et, qui s’inscrit dans l’optique du programme triennal (2015-2017) du CFPJ.
Elle s’est déroulée dans les locaux du CFPJ et a ciblé vingt-cinq (25) juges des enfants.
La formation vise à outiller techniquement les juges des enfants en activité dans les différentes juridictions, en vue d’une bonne mise en œuvre de la justice pour mineurs.
LE DÉROULEMENT DE LA FORMATION
Les travaux de la formation ont porté sur six (06) thèmes.
a- La psychologie de l’enfant et de l’adolescent : comprendre l’enfance délinquante
Ce module a été présenté par le Professeur DASSA Kolou Simliwa Valentin, psychiatre, psycho traumatologue au CHU Campus.
Il a axé sa communication sur les points suivants : la construction de la personnalité de l’enfant, le développement psychosocial, le développement psychoaffectif, les facteurs influençant le développement de la personnalité, le comportement délinquant, quelques activités délinquantes, caractères communs des conduites délinquantes et le profil de l’adolescent déviant.
b- L’écoute / audition de l’enfant victime / auteur d’infraction
Le second module de la formation a également été présenté par le professeur DASSA K. S.
Le formateur a commencé sa présentation par les définitions des mots suivants : conversation, discussion, interview, interrogatoire et confession.
Après ces définitions, il a mis l’accent sur les typologies des attitudes interindividuelles, les variables interindividuelles de la communication, les principes fondamentaux et les techniques d’écoute des enfants victimes ou auteurs d’infractions.
Après la présentation des deux modules, les participants ont été soumis à trois (3) cas pratiques traités en travaux de groupe.
Dans le premier cas, il s’agit d’un enfant âgé de 11 ans, menacé, maltraité et violenté par son père qui l’accuse de sorcellerie. Cet enfant a été repéré par une ONG qui a décidé de porter l’affaire à la gendarmerie qui à son tour a saisi le juge des enfants.
Le travail à faire était de décrire à travers un jeu de rôle, comment le juge des enfants va traiter l’affaire.
Le second cas était relatif aux techniques de communication avec les enfants. En effet, à travers les jouets contenus dans un berceau, Kokou, âgé de 4 ans avait montré à un psychologue comment la bonne âgée de 15 ans frottait ses parties intimes contre lui. C’est pourquoi, Kokou présentait des attitudes sexuelles inappropriées par rapport à son âge. Le psychologue a décidé de confier l’affaire à un juge des enfants.
Il était question dans cet exercice de décrire à travers un jeu de rôle, comment le juge des enfants va instruire cette affaire.
Le dernier cas pratique portait sur des abus sexuels dont est victime une fillette de neuf (09) ans. A la suite de ces abus sexuels, elle faisait des crises d’épilepsie auxquelles on ne trouvait aucune cause médicale. C’est ainsi qu’elle a été confiée à un psychologue qui, après examen a compris que l’auteur de l’acte était son répétiteur, âgé de 17 ans.
Le travail demandé était de juger l’affaire à travers un jeu de rôle.
C’est madame SALIFOU OURO-SAMA, psychologue à l’hôpital d’Agoè qui a facilité ces deux modules.
c- La justice restauratrice / réparatrice des mineurs
C’est monsieur EDEH Kodjovi Emile, spécialiste en protection de l’enfant, qui a présenté ce module.
Il a commencé son exposé par l’état des lieux de la violation des droits des enfants avant de mettre l’accent sur les points suivants : la définition de la justice pour mineurs, les principes de la justice pour mineurs, les modèles de protection des mineurs et leurs critiques, les avantages de la diversion et alternatives à la détention, l’intérêt supérieur de l’enfant, fondement des réflexions en cours sur la justice juvénile.
Après la communication, trois cas pratiques ont été soumis aux participants.
Le premier cas porte sur une fille de 15 ans nommée AS.A qui, sous le poids de la précarité dans laquelle elle vit, ajoutée à l’instabilité de ses deux parents, est emmenée à commettre un vol chez son employeur.
Il est alors demandé aux participants de réfléchir sur les causes de la délinquance de cette fille tout an analysant sa situation ; de préciser si la déjudiciarisation est-elle possible dans le cas d’espèce ; les mesures possibles à envisager au stade de l’enquête préliminaire ou celles que le juge des enfants pourrait envisager en terme de responsabilisation, réparation et de restauration du mineur.
Le second cas est relatif à un viol commis sur une mineure de 15 ans et à un vol de 50000F par un jeune garçon de 17 ans du nom de JSK.
La consigne de travail était de mener des réflexions sur les causes de la délinquance juvénile, d’envisager les mesures à prendre par le juge des enfants si la procédure judiciaire devrait se poursuivre, le cas échéant les éléments dont le juge des enfants doit prendre en compte s’il veut appliquer les solutions d’une justice réparatrice et restauratrice des mineurs.
C’est madame SOUKOUDE FIAWONOU, magistrate, qui a été la facilitatrice de ce module.
d- Le cadre légal national et international de protection des enfants
Ce module a été exposé par M. IBRAHIM Awal, magistrat, conseiller à la cour d’appel de Lomé et M. HOTOWOSSI Martin, Administrateur protection des enfants à UNICEF Togo.
Ils ont d’abord présenté le cadre juridique international de protection des droits de l’enfant en précisant les centres d’intérêt suivants: le cadre juridique international et régional de protection des enfants en conflit avec la loi ; le cadre juridique international de protection des enfants victimes et témoins; les difficultés liées à la mise en œuvre des normes protectrices de l’enfant en contact avec la loi et quelques pistes comme approches de solutions.
Ensuite, le cadre juridique national de protection des droits de l’enfant a été présenté. Cette communication a porté essentiellement sur l’ensemble des textes juridiques relatifs à la protection des droits des enfants. Il s’agit entre autres de la constitution de 1992, de l’ordonnance portant organisation judiciaire, du code de l’enfant de 2007. L’accent a été mis sur ce code de l’enfant.
Un cas pratique soumis aux participants les conduit à réfléchir sur le contenu des articles 37 et 40 de la Convention sur les droits de l’enfant dans le domaine de la justice pour mineurs. Un jeu de rôle a été également présenté par les participants au titre du cas pratique pour relever dans la législation nationale sur la justice des mineurs des points incompatibles avec la convention relative aux droits de l’enfant et aux instruments internationaux se rapportant à l’administration de la justice pour mineurs.
Ce module a été facilité par Monsieur FIAWONOU Mawuli, magistrat, avocat général près la cour suprême.
e- L’enfant en conflit avec la loi et la détention ; l’enfant en danger et le placement
Ce thème a été animé par monsieur IBRAHIM Awal, magistrat, conseiller à la cour d’appel de Lomé.
Les points suivants ont meublé sa communication: le rappel des principes régissant l’enfant en conflit avec la loi et la détention, autres principes liés à la détention (art.347 à 350 du code de l’enfant), les alternatives à la détention, les éléments caractéristiques du danger pouvant justifier le placement, la saisine du juge des enfants d’une demande en placement, les procédés de placement d’un enfant, le rôle d’un travailleur social dans le placement, les effets de placement.
Le formateur a soumis deux pratiques aux participants.
Le premier cas est relatif à l’enfant en conflit avec la loi et la détention. En effet, il s’agit d’un enfant de 14 ans qui, a empoisonné son employeur. Celui-ci ayant été sauvé in extrémis porte plainte contre lui.
Il est demandé aux juges des enfants de qualifier les faits, de poser l’inculpation, d’énoncer tous les actes d’instruction éventuels et d’envisager un jugement.
Le second cas traite de l’enfant en danger et le placement. Séraphin, élève, âgé de 10 ans exerce des violences envers un camarade de classe et des insultes à l’encontre du personnel enseignant. Finalement, il a été déscolarisé et son père décide de ne pas le recevoir chez lui et sollicite un placement.
Les participants devaient relever les éléments caractéristiques du danger dans le cas d’espèce et de rédiger l’ordonnance de placement.
C’est madame SOUKOUDE FIAWONOU, magistrate, qui a été la facilitatrice de ce module.
f- Les garanties procédurales reconnues aux mineurs auteurs et victimes d’infractions
Ce thème a été présenté par M. FIAWONOU Y. Mawuli, magistrat, avocat général près la cour suprême.
Sa communication a porté sur la procédure applicable lorsque les enfants sont auteurs d’infractions et sur celle applicable lorsque les enfants sont victimes d’infractions.
De manière générale, sa présentation est articulée de la manière suivante : les principales caractéristiques de la procédure applicable aux enfants, l’ouverture de la procédure à l’égard d’un enfant, le jugement de l’enfant, les instances modificatives et les voies de recours, les difficultés de mise en œuvre des garanties procédurales, la procédure d’assistance éducative, les difficultés dans l’application des garanties procédurales et les approches de solutions pour lever certains de ces obstacles.
Après la présentation suivie de débats, les participants divisés en deux groupes ont traité le cas pratique suivant: Joseph, élève en classe de CM2 et ses amis ont cambriolé une boutique en emportant une somme de 35000FCFA, des cartes de recharges d’une valeur de 90.000FCFA, une petite radio et un téléphone portable illico.
L’enquête de la gendarmerie a permis de les arrêter.
Il est demandé aux juges des enfants dans le cas de dire si Joseph et ses amis sont auteurs d’infraction ou victimes d’infraction ; de qualifier l’infraction selon qu’ils sont auteurs ou victimes ; de traiter le cas en qualité de juge des enfants saisi d’un réquisitoire introductif du procureur de la république.
Le facilitateur de ce module a été Monsieur M’DAKENA Atara, conseiller à la cour suprême qui a également contribué aux débats et discussions à l’instar des autres facilitateurs.